Fixer le prix de votre produit est l’une des décisions marketing les plus difficiles à prendre.
Le problème est qu’il est difficile de baser cette décision sur des données : si vous vous contentez de demander dans un sondage ce que les gens seraient prêts à payer, les résultats risquent de ne pas être fiables.
Il est plus facile de dire « Oui, j’achèterais ce tournevis à 10 € » que de mettre effectivement la main à la poche.
D’un autre côté, il est délicat d’effectuer des tests A/B sur vos prix sans risquer de froisser vos clients.
La façon la plus simple de régler ce problème est d’aligner vos prix directement sur vos coûts en ajoutant une marge fixe, ou tout simplement de fixer un prix similaire à vos concurrents.
Cette approche peut fonctionner si vous vendez des céréales discounts à la grande distribution,mais pas si vous vendez un logiciel, de l’information (livres électroniques, formations…), votre temps, ou tout simplement si vous voulez une marge plus généreuse sur votre produit.
Un prix basé sur la valeur perçue
Parce qu’il s’agit d’un chiffre, il est facile de croire que le prix représente la partie rationnelle de l’équation marketing.
Pourtant, ce qui détermine le prix que votre client est prêt à payer pour votre produit est sa valeur perçue, qui est tout sauf rationnelle.
Votre client effectue un calcul interne qui revient essentiellement à se demander :
Est-ce que la valeur (plaisir, utilité, sécurité, statut, etc…) que je vais tirer de ce produit est supérieure au prix demandé ?
Du point de vue du marketer, c’est un problème, parce la valeur perçue de votre produit est difficile à évaluer – et elle varie de client en client.
Par exemple, la valeur perçue d’un vol Paris-Marseille pour une famille qui part en vacances est très différente de la valeur de ce même vol pour un banquier qui doit absolument faire le déplacement pour boucler un gros contrat. D’où toutes les pratiques de pricing exotiques des compagnies aériennes (First Class prohibitive, augmentation des prix au dernier moment, etc…).
Mais cette flexibilité dans la valeur perçue représente aussi une opportunité : si vous pouvez influencer la valeur perçue de votre produit, vous pouvez demander un prix plus élevé.
Dans cet article, je vais vous parler de plusieurs expériences sur les prix qui vous montreront comment positionner votre prix pour pouvoir augmenter votre chiffre d’affaire et vos marges.
1 – Le chiffre magique serait-il « 9 » ?
Les fabricants de produits de grande consommation ont la manie surprenante de ne jamais mettre de chiffre rond sur leurs produits. Le prix est toujours « 499 € » plutôt que « 500 € ».
Pourtant, personne ne semble dupe. Dans le langage courant, nous préférons même arrondir le prix, et nous annonçons que nous avons payé notre iPhone « 500 € ».
Comme souvent, la psychologie derrière cette curieuse pratique n’est pas aussi simple qu’elle en a l’air au premier abord.
Le livre Priceless rapporte que dans huit études publiées entre 1987 et 2004, les prix se terminant par 9 ont permis de booster les ventes en moyenne de 24% par rapport à des prix équivalents.
Dans une des études menée par l’Université de Chicago et le MIT, un catalogue était imprimé en 3 versions. Dans chacune des versions, un vêtement pour femme était listé à un prix différent : 34 $, 39 $ et 44$.
Résultat : le prix de 39 $ a généré plus de ventes, y compris plus que le prix moins élevé de 34 $ !
Utilisez cette idée : si votre client est sensible au prix, un prix se terminant par 9 est souvent supérieur à un prix rond.
2 – Comment une option stupide peut augmenter vos ventes de 43%
Dan Ariely décrit ce résultat étonnant dans son excellent livre Predictably Irrational (ainsi que dans cette vidéo TED).
Si vous observez ce formulaire d’abonnement au magazine The Economist, vous découvrez que l’abonnement à la version papier coûte le même prix que l’abonnement à la version papier plus la version web : 125 $.
Certainement, personne ne serait assez idiot pour choisir simplement la version papier quand il pourrait obtenir la version web en plus, pour le même prix ! Cette option semble inutile…
Et en effet, en menant l’expérience avec 100 étudiants du MIT, 16 choisissent l’option A, et 84 l’option C. Aucun ne choisit l’option B.
Mais si personne ne veut de l’option B, se demande Ariely, pourquoi l’inclure sur le formulaire ? Pour le découvrir, il décide de réitérer l’expérience, cette fois-ci sans l’option du milieu.
Les résultats sont surprenants :
A présent, 68% des étudiants choisissent l’option A ! Retirer l’option du milieu conduit une majorité des répondants à se diriger vers l’option la moins chère, ce qui n’est évidemment pas idéal pour The Economist.
En d’autres termes, l’option B n’était pas inutile du tout. Son impact sur les ventes était même spectaculaire pour une option que personne ne choisit.
Quel est le mécanisme derrière cet étrange comportement humain ? Voici l’hypothèse formulée par Ariely :
Les humains ont plus de facilité à prendre une décision quand ils peuvent comparer les différentes options.
Comparer la version web à 59 $ et la version papier à 125 $ est difficile. Mais comparer la version papier à 125 $ et la version papier + web à 125 $ est évident. Et donc, ce choix est naturellement plus facile.
Pour valider cette explication, Ariely a mené une expérience supplémentaire sur des offres de voyages.
On propose le choix entre deux voyages : Paris (Option A) ou Rome (Option B). Pour les sujets américains de l’étude, ces deux villes sont attirantes, et il est difficile de les comparer.
Mais quand un troisième choix est introduit, les résultats changent. En proposant un voyage à Paris avec petit déjeuner gratuit (Option A), un voyage à Paris sans petit déjeuner (Option A-) et un voyage à Rome avec petit déjeuner (Option B), la grande majorité choisissent désormais l’Option A. L’explication des chercheurs est la même : il est difficile de comparer les options A et B, mais il est évident que A est supérieure à A-, rendant A plus attirant par comparaison.
Utilisez cette idée : ajoutez une offre similaire mais inférieure à votre offre principale pour guider vos clients vers l’offre que vous voulez vendre en priorité.
3 – Proposer 3 options
Certains de vos clients sont prêts à payer plus que d’autres. Bien sûr, la solution qui maximiserait votre profit serait de montrer à chaque prospect exactement le prix maximum qu’il est prêt à payer, mais ce n’est pas toujours faisable dans la pratique.
C’est exactement la question que s’est posé Nathan Barry quand il a lancé son livre, The App Design Handbook. Le marché cible est clair : les développeurs qui veulent créer de belles applications pour iOS.
Mais au sein de ce marché, les clients ont une volonté de payer très différente. D’un côté, il y a le petit développeur indépendant qui pense à essayer de lancer sa première application ; de l’autre, une grande entreprise qui veut se lancer sur le marché mobile avec un gros budget.
Comment faire payer plus à l’entreprise, tout en restant accessible pour l’indépendant ? La solution : proposer 3 options.
Voilà les 3 options proposées par Barry :
- Le livre : 39 $
- Le livre + les vidéos : 99 $
- Le livre + les vidéos + ressources supplémentaires : 249 $
Est-ce que les vidéos et les ressources supplémentaires apportent 6 fois plus de valeur que le livre pour justifier le multiple entre les options ?
Probablement pas. Si vous êtes sensible au prix de cet achat, le rapport valeur/prix sera meilleur en choisissant l’option 1 ou 2.
Mais un acheteur qui paie avec la carte de crédit de l’entreprise n’a aucun mal à payer 6 fois le prix pour quelques ressources supplémentaires, parce qu’il sait que le prix de ce guide ne sera qu’une goutte d’eau dans le budget de développement.
Quel est l’impact sur les ventes quand vous proposez 3 options ? Pour répondre à cette question, tournons vers une nouvelle étude tirée du livre Priceless.
On propose deux types de bière : une bière premium pour 2,50 $ et une bière bon marché pour 1,80 $. Environ 80% des gens choisissent la bière à 2,50 $.
Mais si on introduit une troisième bière super-bon marché à 1,60 $, la valeur perçue change. 80% des gens choisissent désormais la bière à 1,80 $, et 20% la bière à 2,50 $. Personne n’achète la bière la moins chère à 1,60 $.
(Voilà un autre exemple où introduire un choix que personne ne prend modifie la perception des options restantes).
Pour la troisième expérience, on retire la bière à 1,60 $ et on la remplace par une bière ultra-premium à 3,40 $. Cette fois-ci, une majorité des gens choisissent la bière à 2,50 $, une minorité choisissent la bière à 1,80 $ et environ 10% payent le maximum de 3,40 $.
Utilisez cette idée : 3 options semblent être l’équilibre idéal pour capturer la marge supplémentaire de vos clients qui ont le plus de budget sans rendre votre offre confuse.
Dans cette situation, la majorité des gens graviteront vers l’option du milieu. Mais souvenez-vous : certains clients sont prêts à payer largement plus que le reste et choisiront toujours l’option la plus chère.
4 – Anchoring : tout est relatif
100 € pour une paire de jean peut sembler cher… sauf si vous venez de voir une paire de chaussures à 2 000 € dans le même magasin.
Cet effet bien connu des négociateurs s’appelle l’anchoring : la tendance à ancrer nos évaluations autour du premier chiffre cité.
Une expérience, à nouveau tirée de Priceless, démontre la puissance insoupçonnée de cet effet :
Des chercheurs demandent à des experts de l’immobilier et à des étudiants d’estimer le prix d’une maison. Tous les sujets ont à leur disposition toutes les informations auxquelles un acheteur aurait accès dans des conditions normales, y compris le prix demandé par le propriétaire.
Les sujets sont divisés en 4 groupes, et chaque groupe reçoit un prix demandé par le vendeur différent. Voici l’impact du prix demandé sur l’estimation :
C’est-à-dire que l’anchoring fonctionne non seulement sur les étudiants, mais aussi sur des experts de l’immobilier avec des années d’expérience à vendre des maisons similaires.
Encore plus étonnant, l’anchoring fonctionne même avec des chiffres qui n’ont rien à voir avec l’objet vendu. Dans une autre expérience d’Ariely, simplement demander à des étudiants d’écrire les deux derniers chiffres de leur numéro de sécurité sociale – un chiffre aléatoire – a un impact énorme sur le prix qu’ils sont prêts à payer pour un objet.
Pour un clavier sans fil, les étudiants avec un numéro élevé (entre 80 et 99) sont prêts à payer 56 $, quand les étudiants avec un numéro bas (entre 1 et 20) ne sont prêts à payer que 16 $. L’effet est énorme, mais opère totalement à l’insu des étudiants, qui estiment tous que leur numéro de sécurité sociale n’a absolument pas contribué à leur décision.
Utilisez cette idée : si vous devez négocier, commencez par citer un prix élevé.
Proposez une option extrêmement chère, même si personne ne la choisit. Elle donnera au reste de vos prix un air absolument raisonnable.
5 – Le contexte détermine la perception
Vous vous prélassez sur la plage un jour de canicule. Un ami propose de vous ramener une bière de votre marque préférée, et vous demande quel est le prix maximum que vous êtes prêt à payer pour cette bière…
C’est le scénario d’une expérience menée par Richard Thaler.
Deux scénarios sont testés. Dans le premier cas, l’ami annonce qu’il va chercher la bière dans une épicerie locale délabrée. Dans la seconde configuration, il est censé aller acheter la bière au bar d’un hôtel de luxe. L’ambiance de l’hôtel ne change pas l’expérience, puisque que la bière sera bue sur la plage.
Intuitivement, on se doute du résultat : les sujets sont prêts à payer plus pour la même bière consommée au même endroit si on leur annonce qu’elle provient d’un hôtel chic.
La valeur perçue n’est donc pas évaluée purement en termes de l’expérience que nous fournit le produit, mais aussi selon le contexte qui entoure l’achat. Cette expérience suggère que des éléments superficiels tels que le décor d’un magasin ou le design d’un site de e-commerce a un impact bien réel sur ce que le client est prêt à payer.
Utilisez cette idée : investissez dans un web design ou un packaging qui suggère le luxe. Vos clients s’attendront à des prix plus élevés.
Combinez toutes les idées de cet article
Vous pouvez combiner toutes les idées de cet article dans une même offre :
- Proposez 3 options, sachant que vous allez principalement vendre l’option du milieu.
- Si votre produit est cher, donnez à votre site un design luxueux. Si votre tarif est en dessous de vos concurrents, citez leurs prix pour bénéficier du contraste.
- Le premier plan est un leurre. Il coûte presque autant que la seconde option, mais offre clairement beaucoup moins de valeur. C’est l’option A-.
- Le deuxième plan, celui que vous comptez vendre, apparaît en comparaison très attractif. The prix se termine par 9.
- Le troisième plan est beaucoup plus cher. Vous jouez sur le principe de l’anchoring pour donner à votre seconde option l’air beaucoup plus abordable. La priorité n’est pas de vendre cette option, mais certains clients choisissent toujours l’option la plus chère, ce qui est un bonus très rentable pour vous.
Bonjour.
Excellent article. Merci. Je vais mettre le lien dans un des miens.
Bonne journée.
Marina Rombaut
Merci Marina 🙂
Bonjour, excellent article comme d’habitude. C’est compliqué, d’aiguiller son client/prospect vers la (bonne) valeur perçue d’un produit.
Pour mon activité de réalisation de vidéo scribing (vidéo sur tableau blanc), mon tarif de base est à 500 euros (il faudrait peut-être que j’essaye 499 ?) et 2 autres offres (800 et 1000 euros) + différentes options de 100 à 250 euros.
Le leader sur le marché, propose un service similaire à 3790 euros, c’est 7 foix plus cher. Mais pour autant, je ne me définis pas comme « low-cost ». Nos process sont différents, même si le résultat final est similaire. Pour ma part, j’estime que ce tarif est beaucoup trop élevé, mais j’ai des clients qui n’ont pas passé commande à cause de leurs craintes quant à la qualité rendue, alors que j’ai des exemples représentatifs et des témoignages sur mon site, qui me semblent rassurants.
Comme quoi, la valeur perçue d’un produit, dépend aussi du contexte commercial ; une grosse boîte passera plus facilement commande quel que soit le tarif, car il en va aussi de son image et du budget qui peut être flambé…
Richard
La question à te poser est : qu’est-ce qui t’empêche d’aller vendre à ces boîtes qui achètent déjà chez ton concurrent (et paient plus) ? Il est probable que le prix soit un facteur (dans la mesure où il dénote la qualité), mais je suppose que le processus de vente est aussi différent. Si ton concurrent a une équipe commerciale, etc… ça justifierai la différence de prix, et tu ne pourras jamais être les concurrencer sur ce point (sans monter tes propres prix).
Ca renforce l’idée que tu dois bien définir ta cible, et ce dont ils ont besoin. Ta marge est-elle satisfaisante à 500 € ? Est-ce que tu peux continuellement trouver des clients à ce prix ? Ou est-ce que le marché se trouve à des gammes de prix supérieures ?
Article très utile. Merci 🙂
Je connaissais déjà quelques préceptes mentionnés ici mais c’est toujours utiles de les réviser.
Content de pouvoir être utile !
Articles, podcast ou vidéos, comme toujours avec Stan,
je découvre toujours plus d’infos hautement qualitative.
Je vais tenter de mettre en application les principes de cet articles et d’autres encore sur ma prochaine page de vente.
Je te te tiendrais au courant des résultats !
Merci pour la richesse de votre texte. Fixer les prix « juste » pour un produit n’est pas chose aisé en effet. C’est vrai que proposer son prix directement sur ses coûts en ajoutant une marge fixe, ou fixer un prix similaire à vos concurrents facilite la décision. Mais qu’en est t-il pour le cas où vos coût pour réaliser votre produit à lui seul est déjà égal à celui de vos concurrents? Je crois qu’il important de prendre le temps d’expliquer au client la valeur ajoutée du produit dans ces cas.
La difficulté a fixer un prix se retrouve surtout dans les cas où on propose un article familier pour lequel le clients dispose déjà d’un ancre pour le prix. Il y a également un travail à faire tout autour de la marque de son produit. La performance du produit que vous proposez a également son importance.
Vous parlez également ventes groupées, une très bonne astuce. Le client a ainsi l’impression de gagner, cela li facilite le choix le moment venu.
Merci pour ce super article.
Je suis dans l’hébergement web et la création de site web.
Je n’ai jamais su quel tarif serait le plus vendeur et juste pour la creation de sites web. D’un autre coté es ce que louer un site est-il une bonne option ? Et dans ce cas a quel tarif ? J’imagine autour de 20€/mois.
Pour l’hébergement web je compte me placer dans le low cost, selon vous quel tarif serai le mieux pour héberger un site ? J’imagine mettre 1€/mois.
Merci et a bientôt
Le low-cost est généralement une stratégie perdante, sauf si tu as beaucoup d’argent à investir pour atteindre une grosse échelle.
EXCELLENT !!!!! UNE TROUVAILLE 2.0 ♡♡
Merci Stan pour ton contenu génial. Je te suis redevable de ce que tu m’apportes avec ton savoir. Principe de réciprocité:)